Dans un contexte exceptionnel marqué par la crise sanitaire relative à la pandémie de Covid-19, le nombre d’expulsions locatives avec recours de la force publique marque un recul historique sur l’ensemble du territoire soit une diminution de 79% par rapport à l’année 2019.
En raison de la crise sanitaire, la ministre du Logement Emmanuelle Wargon a annoncé lundi 1er février 2021 que la trêve hivernale était prolongée de deux mois et prendrait fin le 1er juin 2021. Le gouvernement a également annoncé que le fonds d’indemnisation des propriétaires-bailleurs victimes d’impayés va par ailleurs être augmenté.
Dans cette matière délicate les intérêts des parties divergent fortement. Les locataires comme les propriétaires peuvent se retrouver en grande difficulté voire précarité. Certains croient à tort que l’on ne peut rien faire pendant cette période. Il n’en est rien, bien au contraire.
L’objectif de la trêve hivernale
Depuis la loi ALLUR, la trêve hivernale dure cinq mois, elle s’étale du 1er novembre au 31 mars couvrant toute la période de « grands froids » en France.
Coté locataire
La mesure-phare de la trêve hivernale réside dans la suspension des expulsions des locataires qui ne paieraient plus leurs loyers.
Pendant les cinq mois de la trêve, les propriétaires ne peuvent pas faire expulser leurs locataires et ce même s’ils disposent d’une décision de justice.
En outre, lors de la trêve hivernale, les coupures de gaz et d’électricité sont suspendues afin d’assurer un logement décent et un chauffage efficace. Ainsi, la suspension des coupures de gaz et d’électricité, même en cas de factures impayées, est complémentaire de la mesure de suspension des expulsions.
Y a t il des exceptions ?
• S’il est prévu un relogement décent pour le locataire et sa famille,
• Si les locaux font l’objet d’un arrêté de péril.
En outre, depuis l’adoption de la loi ELAN, les squatteurs sont exclus du bénéfice de la trêve hivernale. Les délais d’expulsion sont également réduits pour les squatteurs.
Si les expulsions sont interrompues, le bailleur(propriétaire) ne doit pas rester inactif. La trêve hivernale bloque les expulsions mais pas la procédure.
Coté propriétaire
L’interdiction d’expulser son locataire ne doit pas empêcher de poursuivre une procédure à l’encontre d’un locataire ne payant pas son loyer. Au contraire, c’est précisément le bon moment pour entamer la procédure qui est très longue et très encadrée.
Lorsque le locataire ne paie plus son loyer, le propriétaire doit immédiatement le relancer et de préférence par une mise en demeure circonstanciée.
Si la situation perdure, il faudra délivrer par voie d’huissier un commandement de payer visant clause résolutoire.
Pendant une période de deux mois, le locataire peut encore régulariser sa situation.
A défaut, le propriétaire est alors autorisé à saisir le tribunal judicaire compétent. Le propriétaire devra dès cette saisine signifier sa procédure à la préfecture tout en respectant à nouveau un délai de deux mois.
Le jugement qui condamne le locataire à payer les sommes prononce également la résiliation du bail ainsi que l’expulsion.
Une fois le jugement rendu, le propriétaire devra le notifier par voie d’huissier afin de purger le délai d’appel. L’obtention d’un jugement ne permet pas d’expulser immédiatement.
En effet, le propriétaire devra au préalable délivrer un ou des commandements de quitter les lieux à l’occupant sans droit ni titre.
Et ce n’est qu’ensuite que l’expulsion pourra être envisagée.
Tenter une solution amiable ?
La procédure étant longue et complexe, il y a tout intérêt à tenter de solutionner amiablement.
Dès les premiers incidents de paiement, le locataire de bonne foi doit informer son propriétaire pour essayer de mettre en place un échéancier, un moratoire ou une suspension provisoire tout en tenant compte également de la situation personnelle du propriétaire.
Dès la saisine du tribunal par le bailleur, la préfecture est prévenue par l’huissier et diligente une enquête sociale, financière, familiale pour cerner la situation du locataire en difficulté et tenter de l’aider.
Le locataire a intérêt à se rendre à l’audience pour expliquer au juge ses difficultés et ses espoirs d’amélioration.
Le propriétaire également doit défendre ses intérêts et prouver sa bonne foi notamment s’il a accordé des délais ou si lui-même se trouve en difficulté financière.
Enfin le recours à la médiation est très efficace et permet la mise en place de solutions rapides qui ne dépendent pas de la durée et de l’aléa d’une procédure.
Gisèle COHEN (Avocat en droit immobilier et droit des affaires).
article publié le 15 février 2021 sur Droit et Patrimoine